L’éléphant est une éléphante, elle était la star du parc zoologique et s’appelait Betsy. Elle a été photographiée par Louis Pierre Théophile Dubois de Neuhaut (1799-1872) en 1854 au moment de la création du jardin zoologique dont le parc Léopold actuel est le lointain descendant.
Il a fallu au photographe de nombreuses prises de vue (nous avons encore ses commentaires à ce sujet) avant d’obtenir quelque choses de satisfaisant. Betsy était un être enjoué qui avait la trompe baladeuse. Sa photographie monumentale nous parle de l’histoire du parc, de la multiplicité du vivant, des sciences naturelles, de la persistance des cycles de la nature dans un contexte en train de s’urbaniser alors et de se densifier encore.
Extrait d’un article non daté du « Soir » :
« Un animal n’y connut jamais la nostalgie, c’est l’éléphant femelle nommé Betsy; de tous les pensionnaires de l’ancien Jardin zoologique, ce fut là, certainement, le plus fameux. Cette Betsy était, dans le Bruxelles de l’époque, parmi les figures les plus populaires et sympathiques … Betsy malgré son épaisse carrure, sa tête mafflue qu’on eut dite taillée à coup de hache dans une souche de bois, malgré ses pieds énormes, ses oreilles formidables, son air balourd, était fine comme l’ambre ; elle connaissait parfaitement ses amis, les distinguait de loin et savait, par un dandinement comique, plein d’aménité, témoigner du plaisir qu’elle ressentait de leur présence…
Ce pachyderme jouissait, au jardin zoologique, d’une situation privilégiée ; même, Betsy avait droit de s’y promener à certaines heures du jour, sous la surveillance d’un cornac indulgent. Et c’était la joie des visiteurs-enfants que cette promenade de leur amie, fantaisiste, volontaire, capricieuse, parmi les allées pleine de monde. Betsy durant ce moment quotidien de récréation, affectait un petit air émancipé et folâtre … Les tours dont elle se rendit coupable, à la faveur de cette liberté de circulation qu’on lui accordait, sont restés fameux dans l’histoire anecdotique bruxelloise …
Il y a avait en ce temps là, un jeune mitron que chaque matin voyait porter sur son épaule un panier rempli de petits pains au lait destinés à être vendus aux promeneurs. Betsy en était folle et elle les préférait dans leur fraicheur. Or, par une belle matinée d’août, comme le mitron venait chargé de sa manne d’osier pleine, embaumant la pâte chaude, l’éléphant, cordial, se mit à suivre ce jeune homme qui, flatté s’y prêta de la meilleure grâce. A mesure que le mitron avançait, elle marchait derrière lui, à distance suffisante pour ne pas l’inquiéter, et, du bout de sa trompe, volait au malheureux sa marchandise ; cela avec tant d’agilité, une virtuosité tellement supérieure, que ce fut seulement à la légèreté anormale de sa charge vide que la victime s’aperçut du larcin ».