De nos jours, le tissu associatif bruxellois, lorsqu’il se mobilise contre le retour de la bruxellisation à Bruxelles se fait régulièrement taxer de ‘nimby’. Force est de constater que les vieilles casseroles ont été ressorties pour penser la contestation comme au siècle précédent.
NIMBY (acronyme états-unien pour Not In My BackYard, Pas dans mon jardin), désignait à l’origine des habitants opposés à tout projet, bon ou mauvais, venant s’installer dans leur environnement immédiat. Pointer du doigt l’égoïsme des NYMBY faisait sens quand l’intérêt général était en cause. Mais au siècle dernier, le terme fut progressivement utilisé pour disqualifier toute parole, individuelle ou collective, de riverains-opposants confrontés à de grands projets élaborés « dans leur dos », retournant contre eux l’argument de l’intérêt général pour ignorer leurs critiques.
Un intérêt général porté par le productivisme excessif du monde d’avant, dépassé à l’heure d’une prise de conscience généralisée de la crise climatique, pourtant brandi par ceux qui redessinent la ville à grands coup de démolition-reconstruction, et qui continuent à stigmatiser l’égoïsme supposé de ses « habitants d’aujourd’hui, pires ennemis de la ville de demain » (*).
Mais de quel égoïsme parle-t-on, en 2020, dans le Quartier Léopold en train de devenir toujours plus européen ?
Certainement pas celui des nombreux riverains, des plus prestigieux aux plus modestes, qui seront durablement soumis aux incidences négatives sur le paysage et l’environnement des ‘grand projets iconiques’ tant au niveau local qu’à l’échelle métropolitaine. Ne serait-ce pas plutôt l’égoïsme de promoteurs de projets spéculatifs aussi ratés que la tour ‘The One’, un édifice macabre construit sans ménagement pour mieux satisfaire à la boulimie aveugle des Institutions européennes à Bruxelles?
Se poser ces questions, n’est-ce pas nécessairement y répondre ? Et pourtant, ‘business as usual’ dans un monde qui a pourtant si fondamentalement changé !
Anachronisme donc que l’usage d’un concept en décalage flagrant avec les enjeux actuels. La contestation du ‘grand projet emblématique’ prend alors tout son sens, celui de la remise en question d’une logique politique et économique fonctionnaliste d’un autre temps, qui tente de se survivre à n’importe quel prix en s’incarnant dans des immeubles tapageurs, insensés, inutiles et encombrants sur la rue de la Loi, sur le rond-point Schuman comme ailleurs.
(*) « Le pire ennemi de la ville de demain, c’est l’habitant d’aujourd’hui »
Marnix Galle, CEO d’Immobel, 14 juin 2016, in Lobby, Visions de Bruxelles by Archi Urbain (vers la 5e minute)